Dans le premier article, je vous ai présenté les Rencontres de la Cense ainsi que les deux premières conférences d’ouverture. Aujourd’hui, je vous propose un résumé des choses que j’ai apprises lors de la quatrième table ronde du vendredi et des Masterclass que j’ai pu voir le samedi.
Luc Ferry a ouvert cette dernière table ronde en rappelant les grands jalons de l’histoire concernant la condition animale : Descartes a commencé par définir les animaux comme étant des machines, de simples automates n’ayant aucune intelligence ou sensibilité ; Gramont a plus tard, en 1850, instauré une loi permettant de protéger les animaux domestiques de toute cruauté en public. Cela n’empêchait toutefois pas les cruautés sur les autres animaux et/ou en privé… Du coté des philosophes du 19ème siècle, 3 courants ont dominé la pensée progressiste sur la place des animaux :
Les utilitaristes, qui disaient que la démocratie ne progresse qu’en intégrant tous les sujets au droit. Ils jugeaient qu’une action était bonne quand elle augmentait le bonheur dans le monde. Les animaux étant capables de ressentir du plaisir et de la peine, ils considéraient donc qu’il fallait bien traiter les animaux -ou du moins ne pas les faire souffrir ;
Les philanthropes, dont faisaient partie Hugo, Michelet, Larousse et qui mettaient, eux, l’humain au tout premier plan ;
Kent et ses accolytes, qui croyaient que la cruauté envers les animaux poussaient l’Homme à être mauvais et qui ont plaidé pour interdire tout spectacle de cruauté.
En 1933, Hitler a diffusé des cartes postales le montrant en train de caresser des biches dans la forêt. Plus concrètement, il a mis en place 3 lois protégeant les animaux pour ce qu’ils sont. Ce sont les premières marques d’humanisation des animaux. Cependant, une personne du public a souligné plus tard dans le débat que ces lois pouvaient être débattues étant donné que les jeunesses hitlériennes s’entraînaient à torturer sur des animaux…
Enfin, en 2016, la loi donnant aux animaux le statut “d’être vivant doué de sensibilité” est rentrée en vigueur, par opposition au statut de meuble qui leur était accordé jusqu’ici.
Jean-Louis Gourraud a ensuite parlé de son expérience de voyage dans le monde à dos de cheval. Une épopée qui lui a permis de faire de multiples rencontres, de rentrer dans des cultures bien différentes de la nôtre. Il note par exemple que pour bon nombre de cavaliers, la Mongolie représente un rêve, qui risque pourtant d’étonner car la relation au cheval est bien différente de ce que l’on connait en France. Le cheval a accompagné l’Homme toutes ses aventures ; il s’étonne pourtant que bien que le cheval ait offert à l’Homme ses plus belles conquêtes, ce dernier s’y soit intéressé très tard dans son histoire.
Véronique Sulfourt a, quant à elle, apporté son témoignage en tant que gérante d’Adapt-Equit, une structure accueillant des enfants délinquants. 6 adolescents entre 13 et 17 ans y sont accueillis chaque jour. Ils ont des histoires familiales compliquées, des problèmes de déscolarisation, et l’idée est de leur proposer un emploi du temps sur-mesure selon leurs “problématiques”, avec des temps autour du cheval.
Elle souligne qu’il n’y a quasiment aucune violence au sein de la structure, et jamais envers les chevaux, pour la simple raison que les enfants deviennent violents quand ils n’ont pas les mots pour exprimer leur mal-être. Or, avec les chevaux, on les encourage plutôt à se confier à eux tout en sachant qu’ils ne répéteront jamais leurs secrets. Si certains finissent par se former aux métiers du cheval, cela n’est pas l’objectif d’Adapt Equit. L’objectif affiché est toutefois qu’Adapt Equit fasse trace dans l’histoire de ces enfants, comme leur ayant permis de se reconstruire grâce au cheval, pour mieux avancer dans la vie.
Emmanuelle Achram, déléguée FFE, a confirmé que le cheval ou poney était un formidable médiateur par sa capacité à ne pas juger. Elle a également expliqué que beaucoup d’initiatives peuvent voir le jour pour amener les enfants vers les chevaux, que ce soit dans le cadre de cours d’EPS, d’un projet pédagogique… Le poney peut être utilisé sous différents angles en lien avec l’enseignement.
Ces 4 tables rondes ont donné lieu à des échanges particulièrement intéressants. J’ai vraiment apprécié l’approche philosophique en lien avec des sujets sociétaux, ce que l’on fait finalement peu dans notre travail quotidien avec les chevaux. Les invités ont tous apporté énormément d’informations, et en tant que cavalière autant qu’en tant qu’enseignante d’équitation et même de citoyenne, j’ai trouvé cet après-midi très enrichissant.
Cette journée était donc complète, il y en avait pour tous les goûts. Après avoir découvert les ateliers autour la thématique “Comprendre le cheval” sous la tente, j’ai assisté aux Masterclass orientées CSO sur la grande carrière.
Dans la première Masterclass proposée par Francis Rebel et Laurent Elias, et la deuxième avec Jérémy le Roy, c’est la simplicité de l’approche qui m’a frappée. Pas besoin de chercher à en faire trop et de vouloir faire compliqué : avec les différents chevaux présentés, plus ou moins jeunes mais tous assez verts dans le travail à l’obstacle, les enseignants ont cherché à avoir des chevaux en avant et droit sur les obstacles.
Jérémy Le Roy a souligné l’importance de faire découvrir les obstacles aux jeunes chevaux avant d’aller sauter. Sa cavalière amenait donc à chaque fois son cheval devant l’obstacle, s’arrêtait pour le laisser regarder, avant de venir l’aborder au trot.
En soit, une séance d’obstacle est également une séance de dressage pour le jeune cheval : on lui apprend à avancer, à tourner et à s’équilibrer. C’est le saut et le déséquilibre qu’il provoque qui complique les choses et permet donc de travailler l’éducation entre les sauts ainsi que sur les sauts.
Ainsi, d’abord sur des obstacles isolés puis sur un enchaînement (avec un jeune cheval volontaire, on peut enchaîner un parcours aéré composé de petits obstacles isolés assez rapidement), les cavaliers ont abordé au trot les obstacles en cherchant toujours un axe perpendiculaire et une allure régulière. Pour un jeune cheval de 4 ans, il s’agit de travailler, comme on le ferait sur le plat, sa capacité à tourner, accélérer et ralentir.
Il a été souligné l’importance de passer du temps sur l’éducation du jeune cheval autour de ces grands axes de travail :
conserver une cadence régulière
tenir le trot jusque devant l’obstacle
être toujours droit et au milieu
être en capacité d’effectuer une transition à tout moment (perméabilité aux aides)
être dans l’équilibre et le mouvement
pour le cavalier, savoir récompenser en procurant du confort.
Chacun a également souligné l’importance d’instaurer un bon comportement dès le plus jeune âge du cheval. Cela faisait bien sûr écho à la table ronde de la veille. Un mauvais comportement peut toujours revenir, et une rééducation prend énormément de temps.
Dans un dernier temps, nous avons justement eu une démonstration à pied avec un cheval en pleine rééducation. Ce cheval sortait sur de grosses épreuves, mais avait pris pour habitude de s’arrêter sur les bidets et rivières, terrorisé. Cela a pris un peu de temps, mais après quelques manipulations par l’éthologue, le cheval a passé devant nous la bâche et le bidet, allant jusqu’à s’arrêter dedans. Il n’était visiblement pas entièrement décontracté, mais c’était une grande victoire pour l’éthologue qui travaille depuis des mois avec ce cheval.
Celui-ci a expliqué qu’il a dû reprendre les bases dans le travail, pour gagner la confiance du cheval et instaurer des codes. Il a bien sur fait preuve de beaucoup de patience, et respecté la progression du cheval sans jamais trop en demander : le mauvais comportement peut resurgir à tout moment si le cavalier va trop loin. Cette démonstration était à mon sens vraiment pertinente pour démontrer l’importance de l’éducation du jeune cheval.
Au final, cette première découverte des Rencontres de la Cense a été un vrai plaisir pour moi. J’ai assisté à des tables rondes et des démonstrations très intéressantes, dans un cadre superbe et j’ai appris beaucoup de choses. Je n’ai pas pu tout voir, mais le programme avait de quoi ravir tous les cavaliers curieux. C’est indéniable que l’on repart de La Cense avec une vraie envie de continuer à progresser et travailler encore plus dans le respect du cheval pour créer une belle relation.
Freelance en marketing digital, je suis également Enseignante indépendante. J'enseigne selon les principes de l'équitation éthologique et je suis spécialisée en hunter, que je pratique en compétition, coache et juge.
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